'Survivre à la difficulté d'être'

 

 

 

 

Nous sommes loin d'avoir pris conscience que ce qui arrivait à l'enfant dans les premières années de sa vie se répercuterait inévitablement sur l'ensemble de la société, et que la psychose, la drogue, l'alcoolisme, voire la criminalité.... étaient des expressions codées des expériences de la petite enfance.

 

Les méfais de l'éducation traditionnelle qui avaient pour but de briser la volonté de l'enfant pour en faire un être docile et obéissant montrent comment, fatalement, les enfants battus auront cette propension à battre à leur tour, les menacés à menacer, les humiliés à humilier.....

Ou, au contraire, s'infliger à eux-mêmes cette violence subie. Violence souvent muette, restée enkystée au plus profond de leur être et se traduisant en culpabilité morbide. Ces victimes risquent de transmettre inconsciemment à leurs enfants leurs angoisses. Transmission qui passe à travers les paroles et les gestes apparemment anodins de la vie quotidienne. Ces enfants peuvent devenir de grands anxieux sans savoir pourquoi ? La force du non-dit est aussi une forme de violence.

 

Que ce soit la violence que l'on s'inflige à soi-même, ou celle que l'on fait subir aux autres, on découvre toujours le meurtre de l'âme enfantine.

 

La discipline est, pour reprendre le mot de l'ancien testament, essentiellement punition (musar).

 

la discipline est l'inhibition de la vie, la restriction de l'activité vitale, dans la mesure où celle-ci ne peut pas se développer à son gré mais doit être maintenue dans certaines limites et soumises à certaines restrictions et selon les cas, elle peut être la suppression partielle du plaisir de l'existence, de la joie de vivre et même de la joie spirituelle.

 

Les moyens d'oppressions sont les pièges, les mensonges, les ruses, la dissimulation, la manipulation, le chantage affectif, l'intimidation, la privation d'amour, l'isolement, la méfiance, l'humiliation, le mépris, la honte, l'utilisation de la violence jusqu'à la torture.

 

L'une des méthodes de cette éducation traditionnelle consistait à transmettre dès le départ à l'enfant des opinions et des informations fausses. Elles ont été transmises depuis des générations et ont été respectueusement reprises à leur compte par leus  progénitures, alors que non seulement leur validité n'est pas prouvée mais qu'il est prouvé qu'elles sont fallacieuses.

 

Voici quelques exemples des principes selon lesquels la dureté et la froideur sont de bonne préparation à l'existence, le sentiment du devoir engendre l'amour, l'obéissance rend fort, un sentiment de sa propre valeur rend nuisible, la vivacité des sentiments est nocive, l'apparence est plus importante que l'être, les parents sont des êtres dénués de pulsion et exemps de toute culpabilité, ils ont toujours raison....

 

Cette idéologie était encore à l'apogée de sa puissance au début du 20ème siècle.

 

Le principe profondément ancré en nous par l'éducation, selon lequel on doit épargner ses parents est essentiellement propre à nous voiler les vérités vitales, voire à les déguiser en leur contraire, ce que beaucoup d'entre nous paient par de graves névroses.

 

Toutes les vies et toutes les enfances sont pleines de frustrations. La meilleure des mères ne peut pas satisfaire tous les désirs et besoins de son enfant. L'enfant doit nécessairement avoir accès aux frustrations que sont les interdits pour se construire. Mais ce n'est pas la souffrance des frustrations qui entraîne le trouble psychique mais bien l'interdiction de les vivre et de les exprimer ; interdiction qui émane des parents et qui a le plus souvent pour but d'épargner leurs défenses.

 

Ainsi l'enfant doit réprimer ou nier ses réactions affectives qui s'amassent en lui jusqu'à l'âge adulte pour trouver alors une forme d'exutoire déjà différente. Ces formes d'exutoire peuvent aller de la persécution de ses propres enfants par l'intermédiaire de l'éducation jusqu'à la toxicomanie, à l'alcoolisme, à la criminalité et au suicide, en passant par tous les degrés de troubles psychiques.

 

La plus grande cruauté que l'on inflige aux enfants réside dans le fait qu'on leur interdit d'exprimer leur colère ou leur souffrance, sous peine de risquer de perdre l'amour et l'affection de leurs parents.

 

les chose doivent fatalement se reproduire ainsi tant que l'histoire de leur propre enfance demeure idéalisée.

 

Tout comportement absurde a son origine dans la petite enfance, et la cause en demeure introuvable tant que la manipulation des besoins physiques et psychiques de l'enfant n'est pas considérée par les adultes comme de la cruauté mais comme une mesure éducative nécessaire.

 

Compulsion de répétiton :

 

L'expérience du châtiment corporel et/ou de l'humiliation psychologique et de la cruauté qui se répète inlassablement à laquelle la victime ne peut y échapper et dans laquelle il n'y a pas de main tendue parce que personne ne peut voir l'enfer en tant que tel, est un état permanent et constamment revécu qui ne se termine pas par un cri libérateur, et qui peut s'oublier qu'à l'aide de la dissociation et du refoulement : ces expériences non dominées trouvent à s'exprimer dans la compulsion de répétition.

 

Quelque chose peut de l'extérieur paraître une faveur sans en être une : un enfant peut être comblé de nourriture, de jouets, de soins.... sans pour autant avoir jamais été reconnu et respecté pour ce qu'il était.

 

Grâce à la contribution des connaissances psychanalytiques qui se sont infiltrées dans l'opinion public, la loi de la puissance parentale fondée sur l'absence de tout droit de l'enfant dans l'intérêt de l'humanité n'est plus défendable. Il n'est plus considéré comme naturel que des parents déchargent sans retenue leur colère et leur rancoeur sur l'enfant alors qu'ils exigaient de lui, dès son plus jeune âge, la domination de ses affects.

 

Pour que la colère, la haine et la rancoeur ne se perpétuent pas éternellement, il est impératif que l'histoire des souffrances de la petite enfance soit entièrement dévoilée de façon à transformer ces souffrances en deuil et en douleur de savoir que les choses aient dû être ainsi. C'est dans cette douleur qu'elles feront une place à une véritable compréhension ; la compréhension de l'individu devenu adulte qui voit ce qu'a été l'enfance de ses parents et, libéré de sa propre haine, pourra enfin éprouver une véritable sympathie.

 

Ce pardon ne s'obtiendra pas par des prescriptions ni des commandements, il sera vécu comme grâce et surviendra spontanément dès lors qu'il n'y aura plus de haine refoulée et interdite pour empoisonner l'âme.

 

Thérapie analytique :

 

Le but de la thérapie analytique est de faire remonter le patient jusqu'aux origines de l'injustice qu'il a subie dans sa vie individuelle et de la vivre avec des sentiments conscients ; en respectant le temps de l'inconscient, il finira par comprendre que ses parents, croyant aux méthodes traditionnelles d'éducation, en ont été eux-mêmes victimes autrefois.

 

Pouvoir exprimer des reproches contre ses parents est un grand pas en avant dans le sens où il permet d'accéder à la vérité de soi-même, permet le dégel de l'affectivité, le deuil, voire la réconciliation. C'est une victoire qui fait partie du processus de guérison psychique.

 

C'est ne plus survivre à "la difficulté d'être" mais enfin être devenu un "être à part entière et reconnu".